"Regarde bien de tous tes yeux, le visage de ta mère afin d'en conserver l'image "
chante Butterfly à son enfant avant de se donner la mort.
Les images s'enracinent en nous pour constituer le fonds iconographique de notre expérience.
Elles sont l'alpha et l'oméga de l'atelier mental de l'artiste.Nous sommes maintenant submergés par un flot continu d'images et d'informations (infobésité).
Mais seules certaines de celles-ci, à l'issue d'un tri sélectif dont la logique nous échappe, deviendront des réminiscences qui nourriront pensées et créations.
Ainsi, ci-dessous, le reflet obsédant d'une Geisha au bord de l'eau
sur une ancienne photo (hand-colored view)du début du 20 ème siècle signé par le célèbre photographe voyageur Herbert G.Ponting m'a inspiré pour aborder le thème de Mme Butterfly.
Je voulais me frotter à la Vanité, un thème classique de la peinture.
La " Nature morte au fantôme " s'apparente donc aux Vanités.
Mais ici, point de crucifix ou de livre saint pour se raccrocher aux branches paradisiaques.
L'œuvre est résolument profane, l'hémorragie de l'être y est sans rémission, symbolisé par l'image d'un fantôme qui, tout en reprenant le rôle symbolique du crâne traditionnel, compromet, car non
solide comme l'os, une possible résurrection à l'identique.
Certains des accessoires de la composition indiquent que le sujet a bel et bien été prémédité pour dire " autre chose ". Ce sont des contenus autonomes qui , comme la miniature en ivoire représentant
une geisha, le billet d'entrée et le papillon jaune, renvoient à la Mme Butterfly de Puccini.
Une atmosphère fantasmagorique propice à la dramaturgie émane d'ailleurs de l'oeuvre. Le fond vibrionne, il est agité de bourrasques cosmiques qui dynamisent la composition. Il y a rupture avec
le concept de vie silencieuse et immobile qui est la règle du genre.
Les couleurs des deux aubergines vont du rose au rouge violacé, en passant par le blanc nuancé. C'est presque les couleurs d'une carnation humaine.
L'apparition du fantôme sur celle à la robe pourpre profond, est sans équivoque.
Elle renvoie à la détresse abyssale de Butterfly alors que la seconde sphère potagère, tonitruante, nous renvoie à la lâcheté et au cynisme de Pinkerton.
La peinture croise alors l'animisme.
Les montagnes célestes ou la solitude de Mme Butterfly
Acrylique sur toile
Collection particulière