Melaine Favennec est un artiste reconnu de la scène musicale.
Mais quand notre folk-singer se repose, il troque piano, micro et trémolos contre une bonne dose de silence. Il aborde alors, avec talent, une autre forme d'expression, le langage pictural.
Il déclare d'ailleurs à ce propos :« Je peins, c’est ma part de silence entre les chansons. »
Si les barques ne sont dans l'ordre matériel des ports que les petites sœurs des chaloupes et autres canots, elles sont, "pour de vrai", les grands, les très grands paquebots du royaume de Lilliput. Les enfants qui en sont les sujets, le savent bien.
Melaine, dans le silence de son atelier, les ressuscite obsessionnellement en les reproduisant à sa façon.
Sous sa main, elles échappent à la gravité crasse de la réalité : elles semblent danser et flotter comme des astres dans l'espace. Elles passent sur la toile, tels des ovnis, sur fond d'écran. Un fond colorisé traversé de part en part par des courants frémissants et vibrionnants. Mais les barques de Melaine, bien que devenues "objets célestes", arborent toujours une "petite jupe noire" dont elles ne se départissent jamais.
Cette petite jupe noire trouve son origine dans l'épais goudron de carène qui recouvrait jadis la coque des bateaux, petits et grands. Avant, le moindre brin échoué à marée basse, montrait sur la grève, sans la moindre pudeur, son cul noir à celui qui passe par là. Ce goudron, généreusement badigeonné sur son séant de gourgandine de l'estran (avant que ne l'emporte par ko, l'antifouling standard du commerce), la protégeait de l'eau de mer et de ses parasites (pour le bois). Cette noirceur des flancs et des soubassements est systématiquement reproduite par Melaine quand il représente ses barques. Mais il y ajoute un plat-bord coloré qui réchauffe et anime l'ensemble.
S'il est visiblement successif dans son travail, ce motif de la petite "jupe noire" est à chaque fois magnifié par des variations chromatiques.
Sa " petite jupe noire " est désormais à la peinture ce que " la petite robe noire " est à la Haute couture, une référence !
Le trait de Jupiter
Le trait de Jupiter est un assemblage judicieux utilisé par le charpentier en construction navale traditionnelle. Il consiste à assembler astucieusement deux morceaux de bois pour en fabriquer un plus long.
Le trait de jupiter de Melaine est artistique. Il assemble flottaison et horizon en une seule et unique ligne sensible.
Melaine fend les flots de la peinture avec son cœur pour boussole.
Pour peindre ses "Celtic Boats", il lève l'ancre et passe à la godille sans s'emmêler les pinceaux par la mer des Sargasses pour arriver à bon port en veillant à bien laisser les sarcasmes des blaireaux et autres béotiens à tribord.
La barque est un thème universel.
De nombreux artistes se sont déjà attelés à sa représentation.
Ce thème est abordé par de nombreux artistes, aussi bien classiques que contemporains. On peut notamment citer le " Main in boat "de Ron Mueck, le " White Canoe " de Peter Doig, « La barque sur la grève » de Georges Braque ou encore " La barque de Dante " de Delacroix.
On se doit bien sûr aussi mentionner la célèbre peinture de " l'île des Morts " d'Arnold Böcklin ", dont le thème est parallèle à la légende de l'Ankou des légendes bretonnes. Elle s'inscrit aussi dans le sillage de Charon, le conducteur des âmes de la mythologie.
De même, il ne faut pas oublier la barque qui, il y a bien longtemps, sillonnait de long en large la mer de Galilée (The Galilee Boat).
Pour approfondir : Poétique de la Barque
Si un bon peintre c'est celui qui a mené son processus gestatif à terme, c'est avant tout celui qui nous embarque à bord de son imaginaire.
Et comme Melaine le chante dans une chanson :
Qu’est ce qu’il manque aux hommes, dès qu’ils ont trois pommes, dès qu’ils ont trois pommes de haut, il manque un bateau. Pour partir sur l’île, pour trouver l’idylle, une image à leur bonheur qui soit mieux qu’ailleurs (l’île de Batz chanson extraite de « Hey ! Ho ! »)
Qu'on se le dise au fond des ports.