La Mer blanche est un lieu unique car comme par magie on y éprouve l'ineffable sentiment océanique (à la puissance 10 !).

 

Avec ses paysages friedrichiens, la Mer blanche (Finistère sud) est un lieu qui se partage  entre la placidité d'un lac (à marée haute) et le moelleux d'une prairie (à marée basse). Mais c'est tout d'abord un refuge de choix pour les oiseaux de passage. Pour le sage, c'est en quelque sorte un Samadhi sur plage.

Kermaout Photo Francis Pierre - Mer Blanche

 

C'est un monde presque anodin, au relief discret, où sous le ballet incessant des nuages, la marée laisse derrière elle des guirlandes argentées.

Celles-ci donnent naissance à des trous d'eau propices à la vie aquatique. Alevins, crevettes et petits crabes verts trouvent refuge auprès de cailloux protecteurs. Tout ce petit monde semble être là depuis la nuit des temps, de génération en génération.

C'est un monde maritime minimaliste, sans extravagance notoire, sans naufrage, juste un ciel à essuyer de temps à autre.

 

Kermaout -Mer Blanche Kermaout - Mer Blanche - Photo Francis Pierre

Le sentiment océanique

 

Quand vous vous promenez sur le site naturel de la Mer blanche vous pouvez ressentir comme la sensation d'être une vague dans un océan (tout proche). C'est le sentiment océanique. C'est vivre une élation. Il suffit de se débarasser de l'habitude stéreotypée de voir les choses comme attendues et sans surprises, pour atteindre cet état de félicité.

 

Le sentiment océanique est une notion psychologique ou spirituelle formulée par Romain Rolland qui se rapporte à l'impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l'univers (ou avec ce qui est « plus grand que soi ») parfois hors de toute croyance religieuse. source - wikipedia.

 

Ce sentiment océanique, on le retrouve notamment dans certaines peintures de Gerhard Richter (par exemple dans la toile: Chinon n°645). Cet artiste a su, plus que tout autre, saisir avec talent cette mystérieuse sensation de communion avec l'univers.

 

Cette vue (ci-dessous) de la Mer Blanche a été reproduite à la manière de Richter.

 

 

Photo Francis Pierre - Mer blanche

Une spiritualité trompeuse

La communion avec l'univers ou sentiment océanique ne doit pas nous égarer. Ne nous fourvoyons pas dans les bras consolateurs d'une spiritualité trompeuse :

 

   "Ne restons le nez dans les cieux/Nous deviendrions catholiques/Je veux dire mélancoliques/Imbéciles et soucieux"

Stéphane Mallarmé - Un coup de dés jamais n'abolira le hasard.

 

 

Bénodet Photo Francis Pierre - Mer blanche

 

Ce qui nous dépasse nous interroge.

J'entends par métaphysique tout ce qui tend à montrer ce qu'il y a derrière la nature et la rend possible"

- Schopenhauer-

Si la spiritualité est un courant ascendant, un courant d'adhésion qui nous élève, la religion est malheureusement le plus souvent un courant descendant qui nous entraîne vers le grand large et ses grands fonds. Les grands fonds de la soumission aveugle au dogme.

Bénodet Photo Francis Pierre - Mer blanche

Des morceaux d'univers

Si l'homme ordinaire ne voit dans les grands bancs de sables que des surfaces mornes à peine réveillées par les algues vertes, le clairvoyant y verra des morceaux d'univers :

 

"Une parcelle de sable ne serait rien si elle n'avait son fondement dans le monde physique entier. Ce grain de sable est connu dans son contexte de l'univers, où nous connaissons toutes choses par le témoignage de nos sens. Lorsque je dis que le grain de sable est, le monde physique se porte garant de la vérité qui est derrière l'apparence du sable."

- Rabindranath TAGORE -" La Religion de l'homme"

 

Just my imagination ?

 

Si on se réfère à la théorie psychanalytique de la régression thalassale de Sandor Ferenzci on peut enfin expliquer la sensation de bien être qui s'empare de tout visiteur de la Mer Blanche : elle serait l'expression d'une sensation inconsciente, celle de retrouver la sécurité de la vie intra-utérine.

La Mer Blanche se gonfle avec la marée comme un ventre maternel puis se vide par son goulet (vulve) du Groasguen.

 

Mais rechercher frénétiquement une causalité à tout, revient à s'intéresser uniquement au trognon de la pomme sans en apprécier tout simplement sa chair savoureuse et sa dimension poétique.

 

Osez dire ce que vous nommez pomme.

Cette douceur qui d’abord se concentre,
puis, tandis qu’on l’éprouve, doucement érigée,

se fait clarté, lumière, transparence.
Son sens est double : terre et soleil.
Expérience, toucher : ô joie immense !

 

Rainer Maria RILKE
Recueil : "Sonnets à Orphée"

 

Photo Francis Pierre - Mer Blanche
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