Le sacré, c'est la réalité augmentée par la conscience.
Arrêt sur image. Nous ne le voyons pas. Heureusement, des artistes nous le montrent.
Le sacré paraît bien plus grand que l'ordinaire : le sacré, c'est la réalité augmentée par la conscience.
S'il semble lié à la conscience individuelle, il ne peut exister que s'il est partagé avec les autres. Par une forme de communion.
La quiétude est la condition nécessaire pour le percevoir pleinement. Le terreau de cette expérience sensible, c'est une tranquillité ou la mort n'œuvre plus en tâche de fond.
Ombrelle, lumière, paysage, ciel,
il n'y a pas de langage pour le sacré.
Le sacré réside dans l'ordinaire.
- Le TAO -
Célébrer, c'est applaudir, se rappeler, fêter, mais aussi implorer.
L'homme a rassemblé, codifié et structuré ses expériences personnelles pour pouvoir les partager avec ses semblables. L'apparition du sacré coïncide avec l'apparition des premières formes de sédentarisation. La possibilité de donner enfin une sépulture digne aux morts, de dresser un totem qu'on retrouvera le lendemain, c'est pouvoir sédimenter les premières interrogations métaphysiques en leur donnant corps et notamment en leur dédiant des espaces de mémoire et de célébration. Célébrer, c'est applaudir, se rappeler, fêter, mais aussi implorer. La célébration est un exercice pratique qui permet de se connecter au sacré, le plus souvent en groupe.
Les petites figurines aux attributs hypertrophiés (les Vénus) que l'homme du paléolithique sculpte, célèbrent d'abord la fécondité. L'homme s'inspire de la beauté naturelle pour créer car il éprouve pour celle-ci, une émotion particulière. Une émotion qu'il complète en la chargeant symboliquement d'attributs spécifiques. Son but est de partager une représentation augmentée de la chose. L'artiste utilise la dynamique du jugement pour communiquer. Si l'artiste est un émetteur, le regardeur n'est pas qu'un récepteur. Il est également émetteur et le point de rencontre se situe entre les deux protagonistes. Si une œuvre d'art est qualifiée de spirituelle, c'est que le regardeur qui la contemple porte en lui sa propre part de spiritualité.
L'homme commencera à élaborer des rituels. D'abord élémentaires, ils gagneront en complexité peu à peu. Il confectionnera aussi des parures, colliers et ceintures, pour définir par l'objet un rang social.
Puis viendra les codex informationnels que l'on enrichira d'enluminures. L'esthétique est un moyen de subjuguer, d'assoir une doctrine par l'ébahissement. Elle est aussi un marqueur majeur de différenciation. Un marqueur social.
L'art est à l'origine une révélation du monde.
La question spirituelle reste entière. L'art, à son stade premier, s'applique à former des images en partant de la représentation. L'art est à l'origine une révélation du monde. Fabriquer des artefacts en s'inspirant des objets naturels, c'est choisir des intercesseurs avec les mondes subtils. Ils endossent un rôle en se chargeant d'une dimension supplémentaire. Une chose est toujours considérée comme belle par rapport à une autre. Il faudra attendre longtemps pour que l'homme fasse de la représentation d'objets a priori non-esthétiques un sujet à part entière (les souliers de Van Gogh). L'objet nous renvoie alors directement alors à notre qualité d'humain. Une charge émotionnelle, sociologique, historique vient alors s'incarner dans ces objets. L'objet devient transitionnel. L'artiste qui le représente ne peint plus l'objet, mais autre chose.
Si un point de vue est déjà une prise de conscience, la spiritualité est un point de vue de la conscience, une singularité de celle-ci. Mais une singularité intime. À contrario, la religiosité doit s'épanouir dans un milieu propice et surtout complice. Certes, nombre œuvres d'art anciennes entrent dans ce champ, mais il s'agit d'art dit "sacré". Si la dimension dite "spirituelle" est proche du sacré et donc souvent dans le sillage du dogme ou de la croyance, elle ne se rattache pas forcément à quelque chose de préétabli.
"Le sacré n'implique pas la croyance en dieu, ou en des esprits, c'est l'expérience d'une réalité et la source de la conscience d'exister dans le monde." Mircea Eliade - La Nostalgie des origines. Méthodologie et histoire des religions.
L'art est un langage.
Celui des formes et de la couleur. L'art sert à modifier la perception que l'on a du monde, à l'adapter à une vision personnelle. Pour le croyant, le langage artistique doit expliquer le monde, à la condition d'être dûment validé par les autorités religieuses. Ainsi, pour le Chrétien, il doit illustrer la souffrance, le salut, la rédemption. Il est alors souvent un langage performatif qui valide une fable. Ce langage utilise vocabulaire et grammaire artistique pour construire un récit conforme au dogme.
Influencer l'âme
"Le sentiment artistique a des rapports profonds avec le sentiment mystique"
- Antoni Tapiès -
La musique est naturellement plus cinématographique que la peinture qui est intimement liée aux formes empruntées à la nature. Kandinsky dans "Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier " appelle à s'en émanciper, à s'appuyer sur ses propres forces. "Et quiconque approfondit les trésors intérieurs de son art est à envier, car il contribue à élever la pyramide spirituelle, qui atteindra le ciel ".
Pour Kandisnky, la couleur est un moyen d'exercer une influence directe sur l'âme :
"La couleur est la touche. L'œil est le marteau. L'âme est le piano aux cordes nombreuses."
L'art est devenu moderne quand il a pris définitivement ses distances avec la reproduction à l'identique. Il met maintenant sans complexe les outils technologiques au sevice de l'expression. La combinaison des sentiments (parfois en passant paradoxalement par la confusion) est sur sa feuille de route. L'artiste doit se détacher des exigences de l'action et du spectacle imposé par la nature. Il doit absolument fuir les vicissitudes et contingences de la matière pour son prendre son envol.