Le nuage est un transformiste dont le lent numéro est propice aux rêveries.
Soit il s'effiloche timidement au gré du vent, soit il bout, tel un matamore, à gros bouillon dans la marmite du ciel. Pour devenir un gros nuage, il lui suffit de fusionner avec un autre lui-même et ainsi de suite. Ces noces de coton sans copulation donnent parfois un cocon féroce qui porte en lui l'explosivité de l'orage. Le nuage n'a pas besoin des artifices du maquillage ou du tatouage, ni de se gonfler du jabot comme l'oiseau pour séduire un congénère. Son accouplement est une fusion totale. Il n'a pas de corps et pourtant il ne sait faire qu'un avec l'autre. C'est un éternel adolescent, l'évanescence est sa seule raison d'être.
Le nuage est le plus souvent respectueux de l'ordre des choses. Il sait être sage comme une image. La nature le formate souvent en mouton docile et il forme alors une légion ordonnée au-dessus de nos têtes pour avancer à la queue leu leu vers l'horizon.
Aucun jugement imaginaire
de forme,
Les nuages
Jack Kerouac - Le livre des haïkus
Il est parfois si petit qu'il paraît perdu dans l'azur.
C'est alors une monture de choix pour l'ange.
"Impossible d'imaginer un petit nuage qui disparaisse en tombant. le petit nuage, le nuage léger est le thème d'ascension la plus régulière, la plus sûre. Il est un conseil permanent de sublimation" - Gaston Bachelard - L'air et les songes.
La grande houle du ciel a inspiré de nombreux artistes des siècles passés comme John Constable, Eugène Boudin ou encore Jacob van Ruisdael. Ils en ont même parfois fait un sujet à part entière. Ces artistes auraient pu se contenter de considérer le nuage comme un élément de décor, un accessoire à bon compte mais ils lui ont donné le premier rôle, celui de l'émotion et de l'interrogation métaphysique. Chez les peintres de la Renaissance comme Andréa Mantegna ou Le Corrège, il sert d'abord la narration religieuse
Jacob van Ruisdael
On sait qu'une œuvre d'art peut susciter plus de pensées que celles qui y sont contenues à l'origine. Encore faut-il que l'artiste titille le spectateur dans son jardin des sens.
Le nuage, dont une des principales caractéristiques est d'appartenir à personne, est, pour le rêveur, l'antichambre des mondes célestes.
Dans le ciel, le nuage à souvent l'allure souple et trapue d'un grand fauve cotonneux.
Ce solitaire qui, volontiers, ose l'osmose, ne pousse jamais le moindre feulement, excepté les soirs d'orage. Le nuage n'est pas un grand bavard, mais son insoutenable légèreté exprime l'impermanence de nos vies. Mais, elle nous laisse supposer un ailleurs au-delà des choses.
Pour qui a un appétit spirituel, le nuage est un festin.