Photo Francis Pierre

 

 

Le nuage est un incorrigible transformiste.

 

Le nuage est rarement solitaire, il aime généralement se déplacer en troupeau. Et même s'il se déplace seul dans le ciel, ventripotent comme un choux fleur ou sylphide comme une plume, c'est qu' avant de rejoindre la troupe, en incorrigible cabotin, il produit en solo un dernier show.

 

Il est beaucoup plus qu'un simple accessoire décoratif, c'est un diadème qui rayonne. Mais ce qu'il aime par-dessus tout, c'est changer de forme comme de chemise. Le nuage est un incorrigible transformiste.

 

Et si son ombre baigne parfois les pierres immobiles de nos tombes, il aime aussi pisser bêtement dessus à grands jets.

 

Le nuage propose gratuitement au monde son numéro de transformiste. Il est généreux, toujours prêt à nous arroser copieusement ou bien à faire la cerise du gâteau dans le ciel bleu. Il change continuellement d'aspect. Il se déploie le matin à gros bouillon dans la marmite du ciel puis joue le soir à l'effeuilleuse sur son balcon céleste. Il s'effiloche alors lentement au gré des vents d'altitude comme une barbe à papa dans les courants d'air des allées d'une fête foraine.

Le nuage est une starlette, une auto-tamponneuse pour petits bras qui s'accouple en percutant mollement ses congénères. De ces noces de coton naissent parfois de lourds cocons électriques : c'est l'orage.

Le nuage possède surtout le don d'ubiquité. Il disparaît, péteux, chassé vers l'est par un vent vigoureux pour réapparaître un peu plus tard à l'ouest, fringant comme une nouveauté. Et si le bleu est bien sûr la couleur qui sied particulièrement à sa prestance, il se contentera tout simplement d'un camaïeu de gris.

La transformation perpétuelle est sa principale raison d'être. Il a l'âme d'un chamane. La forme zoomorphique n'a d'ailleurs pas de secret pour lui. Il devient tour à tour loup, crocodile ou zébu. Il passe aussi par la forme abstraite pour nourrir des ambitions à venir. Il se fond souvent dans la masse comme le grumeau dans la purée. Le nuage n'a ni d'égo, ni de plan de carrière. Il est à la fois au générique du ciel du poète,du Gaulois et du représentant de commerce qui sillonne les routes.

Le nuage n'a ni besoin des artifices du maquillage ou du tatouage, pour séduire. Ni d'ailleurs de gonfler du jabot comme l'oiseau. Il lui suffit d'être ce qu'il est intrinsèquement, c’est-à-dire, inatteignable comme un amour inaccessible.

Son accouplement est une fusion totale. Il s'oublie totalement dans l'autre pour ne former qu'un. Pour cet éternel adolescent, qui se déplace souvent en bande, la singularité n'est pas essentielle même si elle est naturellement inscrite dans son ADN.

Le nuage, contrairement aux apparences, est respectueux de l'ordre des choses. Il naît certes libre, il ne connait ni frontières, ni déterminisme social, même s'il a parfois pour lui-même une certaine hauteur de vue. Mais quand il le faut, il sait être sage comme une image. Obéissant, il défile à la queue leu-leu au sein d'une légion bien ordonnée qui marche vers l'horizon. Le nuage s'autorise néanmoins de temps en temps un petit arrêt pipi.

Autrefois, on habitait dans un village. Et chaque village avait au-dessus sa couverture de nuages en guise de couvre- chef. Celui-ci changeait au gré des saisons : à plumes, molle, en  melon, en haut de forme (cumulonimbus), en mini top hat (cirrus). Les temps ont changé, on habite maintenant le plus souvent des mégapoles. L'éclairage artificiel a définitivement tué les étoiles et on se déplace le nez collé au smartphone (comme certains animaux se déplacent le groin à ras du sol). Heureusement, de temps en temps, on ose encore lever la tête pour apercevoir le ciel et ses nuages entre les immeubles. La terre à ses pommes, le ciel aussi.

 

 

"Partout des pancartes interdisaient aux Juifs les petits chemins menant à la nature.

Mais au-dessus de ce bout de route qui nous reste ouvert, le ciel s'étale tout entier "

 

(Etty Hillesum - 1942)

 

Baudelaire - L'étranger

 

La grande houle du ciel a inspiré de nombreux artistes des siècles passés comme John Constable, Eugène Boudin ou encore Jacob van Ruisdael. Ils en ont même parfois fait un sujet à part entière. Ces artistes auraient pu se contenter de considérer le nuage comme un élément de décor, un accessoire à bon compte mais, ils lui ont donné le premier rôle, celui de l'émotion et de l'interrogation métaphysique. Chez les peintres de la Renaissance comme Andréa Mantegna ou Le Corrège, il sert d'abord la narration religieuse.

Jacob van Ruisdael

John Constable

 

On sait qu'une œuvre d'art peut susciter plus de pensées que celles qui y sont contenues à l'origine. Encore faut-il que l'artiste titille le spectateur dans son jardin des sens.

Le nuage, dont une des principales caractéristiques est d'appartenir à personne, est, pour le rêveur, le marchepied idéal pour atteindre les mondes célestes.

 

 

Heureusement, le nuage est encore à tout le monde.

Essayez donc d'en glisser un dans votre porte-monnaie !

 

 

Eugène Boudin

 

 

 

 

 

Le nuage n'a  pas d'âge !

 Il glisse d'un tableau à un autre sans anachronisme.

Le nuage n'est pas un grand bavard, excepté les soirs d'orage.  Pour qui a un appétit spirituel, le nuage est un met de choix. Mais attention de ne pas trop céder à la gourmandise :

 

"Ne restons le nez dans les cieux/Nous deviendrions catholiques/Je veux dire mélancoliques/Imbéciles et soucieux"

Stéphane Mallarmé - Un coup de dés jamais n'abolira le hasard -

 

 

Nuage Photo Francis Pierre - Le nuage et l'ange

Il est parfois si petit qu'il paraît perdu dans l'azur.

C'est alors une monture de choix pour l'ange.

 

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Dessine-moi un nuage

Aucun jugement imaginaire

de forme,

Les nuages

 

Jack Kerouac - Le livre des haïkus

 

 

Détail Composition 3 -Éléonore Deshayes

 

 

Fastoche déclare l'enfant : je peux lui donner la forme que je veux : celle d'un cœur, d'un ballon, d'un éléphant ou bien d'un chat.

Avec mes crayons de couleur, je le colorie en rose ou en rouge.

Ce sera toujours un nuage, mon beau nuage.

 

 

Et pour finir cette ballade dans le ciel, les première paroles d'une très belle chanson de Françoise Hardy :

 

Beaucoup de mes amis sont venus des nuages

Avec soleil et pluie comme simples bagages
 
Le temps a passé et trotte maintenant dans ma tête cette autre version :
"Bien de mes amis sont devenus des nuages
Avec soleil et pluie comme simples bagages"

 

 

 

Le nuage : un sujet de choix pour les artistes.

 

Photo Francis Pierre - La Jérusalem céleste -
Photo: Jose Ruiz González
WILLIAM HAWKINS
Chemtrails ? - FP
John Ruskins - Study of clouds
Wolf Ferrari Teodoro
Macqueen - Summer sky, 1935
Les photos poétiques de Ronald Ong
Cloud Chamber - Berndnaut Smilde

Les nuages en intérieur de Berndnaut Smilde  sont conçus avec des machines à fumée. Ils sont stabilisés in situ par de la vapeur d'eau.

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Les origines du langage - Magritte
James Tralie - Digital Art
Simple as that - Photographie Romain OSI

"Impossible d'imaginer un petit nuage qui disparaisse en tombant. le petit nuage, le nuage léger est le thème d'ascension la plus régulière, la plus sûre. Il est un conseil permanent de sublimation"  - Gaston Bachelard - L'air et les songes.

 

HOLDLER
Van Gogh - Champ de Blé avec cyprès
Clouds in Finland, 1908 - Konrad Krzyżanowski
Thomas Cooper Gotch
Ciel au dessus des nuages - Georgia O'Keeffe
Photo FP - Le chemin
Valotton - Étude : nuages
Boris Anisfeld - Clouds over the Black Sea - Crimea
Paule Marrot - Les nuages
Photo de Willem de Mik Photo - Willem de Mik

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Et entre autres :

 

Abraham Poincheval : Marcher sur les nuages

 

Musée des nuages

 

les œuvres intriguantes et surréalistes de Philippe Ramette, Robert Garcin.

 

 

 

 

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