C'était une nuit épaisse, totale. Une nuit à mille lieues des lumières de l'urbanité. Une nuit bien lisse, sans la moindre petite saillie. Je ne pouvais donc guère me raccrocher à la moindre aspérité comme le faisceau lumineux d'un réverbère.

Mes idées bien pourraves, rassemblées en une cohorte bruyante et surtout envahissante, encombraient ma psyché. La pénombre trempait tous mes sens dans son sirop vibratoire. Elle poissait illico la superbe du noctambule blaireau que j'étais habituellement ! Plongé dans le noir, replié dans ma pelure de saison comme un lapin dans son terrier, je me devais remplir une mission quasi impossible, prendre la nuit en photo.

 

Le bavard parle plus volontiers du jour que de la nuit. Question de facilité, car la nuit ne répond guère aux suppliques. Et pourtant la nuit est tragique par essence.  Elle joue souvent à l'Ophélie. Elle cherche constamment à vous entrainer dans sa noyade. Elle ouvre ainsi chaque soir les portes de son cabaret de la démesure aux naufragés de la nuit.

Une libellule ne sera jamais qu'une luciole pour le noctambule. La nuit, c'est d'abord pour les marioles !

 

La nuit qui colle -FP
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L'émerveillement, c'est la fleur de la conscience