Une petite Prière mal embouchée pour commencer :
Aux sept trompettes de l'Enfer
Je préfèrerai toujours sur cette planète
Celle de Chet Baker
Au nom du père, du fils et du Saint-Piston
La musique est-elle la bande son du principe anthropique ?
"Tout est musique", déclarait, un brin provocateur, John Cage. Non, tout n'est pas musique.
SI, du tohu-bohu initial, émergea à un moment donné un son aimable à nos oreilles, peu importe qu'il soit issu de la musique des sphères (ce vieil air pythagoricien) ou du " Om " des bouddhistes (la mère primordiale de tous les sons). Ce qui est important, c'est qu'il émergea miraculeusement à un moment donné (par qui ?) du non vide. Le son ne peut pas traverser le vide, il a besoin d'un support physique, qu'il soit liquide, solide, gazeux, etc. Il ne peut donc pas naître du vide, la graine à besoin du sol pour germer, le son, organisé ou pas, a besoin d'un support pour exister. Le bruit de fond de l'univers ne vient pas du néant.
Note après note, ton après ton, accord après accord, riff après riff, la musique est d'abord une émission de bruit, une onde qui se propage. Mais sans maçon, la pierre ne fera pas maison, et sans intelligence structurante, le son ne fera pas musique. Le bruit est une potentialité à dépasser.
La musique est-elle la bande son du principe anthropique ? Tout est bruit, tant qu'une forme d'intelligence, une intelligence mathématique, n'est pas intervenue pour le structurer, l'aménager, l'harmoniser, bref, pour en faire de la musique. Mais la musique n'a de sens que s'il y a une oreille attentive pour l'écouter. Une ouïe éduquée quelque part dans l'univers est nécessaire à sa réalité. Les mystérieux borborygmes de la planète entendus à Bristol au Royaume-Uni ou à Taos au Nouveau-Mexique ne sont pas de la musique. Mais le trip hop né à Bristol en est. Le bourdon (hum en anglais) entendu là-bas dans les années 1970 y est d'ailleurs peut-être pour quelque chose.
Une fleur ne se fait pas belle. C'est nous qui la trouvons belle. Un oiseau ne fait pas de la musique, c'est nous qui trouvons son chant harmonieux. Son chant n'est pas sous-tendu par une structure musicale pensée de son côté et pourtant, pour nos oreilles, il est mélodieux. C'est un des grands mystères de la nature. Pour communiquer, la cigogne claque du bec, car son organe vocal commun aux oiseaux (syrinx), est dépourvu du muscle approprié. La cigogne joue donc des castagnettes, car elle ne peut pas donner de la voix. Il y a trois mille ans, les Phéniciens ont élaboré les premières castagnettes (par mimétisme ?) alors qu'ils pouvaient eux-mêmes donner du larynx. Produire un son, voire une section rythmique en dehors de ses propres capacités physiologiques grâce à sa propre intelligence est une exploration ludique de la matière sonore.
Si la musique musicale semble exister en dehors de notre réalité, elle n'est pourtant pas une banque de données, mais une possibilité. Elle est à disposition de nos sens pour une mise en œuvre. Comme Mozart, génie précoce, l'a fait.
La musique, ce vent des cimes qui tutoie l'infini redescend dans la plaine pour caresser nos âmes est un miracle accessible à nos sens.
La musique semble exploiter les faiblesses émotionnelles de l'homme. Les flonflons du regret et de la nostalgie y trouvent leur Panthéon. La musique serait-elle putassière ?
La musique est hautement combinatoire. Elle mêle avec brio, pulsations, rythmes, fréquences, cadences, mesures, tempos, timbres, sons, vibratos, hauteurs, harmonies, pour transformer le simple bruit et exprimer l'inexprimable.
KUPKA et KANDINSKY, deux plasticiens musiciens dans l'âme :
La musique est naturellement plus cinématographique que la peinture qui est intimement liée aux formes empruntées à la nature.
(Kandinsky - Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier).
La progression harmonique du piano est semblable à la suite de Fibonacci. Mais dans cette peinture de Kupka, le clavier est éclaté et la touche évoque d'abord la note. La touche trouve d'ailleurs ici un double coloré qui à son tour fait sonner le paysage. Comme la touche enfoncée sur le clavier, sa valeur picturale vient structurer et faire vibrer la nature. La mélodie qui semble se dégager de l'œuvre résulte de l'ensemble des éléments utilisés par le peintre dans son tableau.